En bouleversant les modes de production et d’organisation, les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) remettent en cause le modèle classique de la relation employeur/salarié notamment dans sa caractéristique la plus essentielle : l’existence d’un contrat de travail.
Rappelons que la qualification du contrat de travail est indisponible, c’est-à-dire qu’elle « ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur »(1), éléments laissés à l’appréciation du juge.
L’existence d’un contrat de travail suppose que 3 critères soient remplis(2) : l’exécution d’une prestation de travail, le versement d’une rémunération en contrepartie de cette prestation, et l’existence d’un lien de subordination juridique entre le salarié et l’employeur.
Le lien de subordination juridique est sans doute le critère le plus essentiel pour la Cour de cassation de par la souplesse de la notion et son adaptabilité à la plupart des relations de travail. Il désigne la relation dans laquelle le donneur d’ordre (employeur) a la faculté de commander le maitre d’ouvrage (salarié) ou, a minima, de transmettre des prescriptions, des consignes, ou des instructions précisant les modalités d’exécution des tâches confiées et, afin d’en assurer la bonne exécution, dispose du droit d’en contrôler régulièrement la réalisation ou la conformité et de sanctionner tout manquement.
De fait, cette notion est particulièrement adaptée aux problématiques soulevées par l’utilisation des TIC en entreprise et notamment dans le cas de salariés hautement qualifiés bénéficiant d’une grande autonomie. La définition retenue permet de maintenir un lien hiérarchique tout en favorisant des formes de travail « agiles ».
Cette relation garantit à l’employeur la possibilité de fixer les conditions d’exécution de la prestation de travail(3) ce qui peut donner lieu à quelques difficultés lorsqu’il s’adresse à des salariés disposant d’une bien meilleure expertise que la sienne(4). Ce décalage entre l’expertise du salarié et celle de l’employeur, amplifié par la liberté qu’offrent les TIC, oblige l’employeur à laisser une certaine forme d’autonomie au risque de se voir évincé de son rôle de dirigeant.
Cet état de fait est à rapprocher d’un arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation en date du 24 janvier 2001(5) dans lequel le lien de subordination n’a pas été reconnu du fait de la trop grande autonomie des travailleurs. En l’espèce, un directeur administratif et financier ainsi qu’un directeur commercial réclamaient la reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail ce qui leur sera refusé par la Cour de cassation. Cette dernière a estimé en effet que ceux-ci disposant de l’expérience et des connaissances nécessaires au fonctionnement de l’entreprise ne pouvaient être considérés comme salariés alors même que la gérante de par son jeune âge et son inexpérience se trouvait incapable de leur transmettre des consignes.
Bien que cet arrêt semble relativement isolé et se trouve dépourvu de lien direct avec l’utilisation des TIC, la question soulevée n’en n’est pas moins intéressante. En effet, l’utilisation des TIC par des travailleurs hautement qualifiés peut facilement mener à des situations où un dirigeant de droit côtoie un dirigeant de fait(6) puisque les TIC facilitent notamment l’accès à l’information, le contact avec les clients et fournisseurs, et la diffusion de consignes au personnel.
De même, l’usage des TIC amène à modifier le pouvoir de contrôle de l’employeur. Si l’employeur peut exercer un contrôle sur une majorité de ses salariés grâce à un large panel de moyens techniques, certains salariés y échappent soit parce qu’ils bénéficient d’une grande autonomie soit parce qu’ils sont amenés à travailler en dehors des murs de l’entreprise(7).
Afin de concilier autonomie des salariés et contrôle de l’employeur, nombre d’employeurs on choisit de recourir à la pratique du reporting associée à la définition d’objectifs plutôt qu’à l’obligation de respecter des processus de production.
Il semble donc que les nouveaux modes de fonctionnement à distance notamment en « réseau », vont favoriser l’émergence d’une subordination juridique que l’on pourra alors qualifier de « fonctionnelle » en ce qu’elle se focalisera plus sur les conditions de travail via le contrat de travail et la place occupée par le salarié dans la structure que sur le lien d’autorité en tant que tel.
La notion « d’intégration à un service organisé »(8) est particulièrement remise en cause par l’usage des TIC puisqu’il repousse les frontières de l’entreprise et modifie l’organisation hiérarchique. Pour autant la notion d’intégration à un service organisé ne perd pas son intérêt puisqu’elle constitue par nature une preuve de l’existence d’une relation de subordination juridique notamment « lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions du travail »(9).
Avec le développement des TIC favorisant les nouvelles formes de travail, le nomadisme et l’autonomie, il s’agira pour les employeurs de fixer de nouvelles conditions de travail adaptées et spécifiques. Cette mutation pourrait marquer le renouveau de la notion de service organisé.
Il s’agit également pour les employeurs d’intégrer dans leurs politiques de prévention, les risques spécifiques liés aux Technologies de l’Information et de la Communication.
Ils en ont parlé :
Principales règles juridiques :
Copyright © 2024 TOIT de SOI