
Digitalisation, restructuration, sous-traitance, pression sur les coûts et les effectifs ... Les mutations du monde du travail ne sont pas sans conséquences sur la charge de travail des salariés. Ces derniers alertent sur l’intensification du travail, l’exigence de performance et le rythme de travail accru. La littérature et les enquêtes sur les conditions de travail confirment cette tendance à la disponibilité extensive, à la difficulté d’articuler entre l’activité professionnelle et la vie personnelle, mais surtout aux risques pour la santé des travailleurs (Loriol, 2015 ; Coron (1) , 2019 ; Demay (2), 2023 ; DARES (3), 2016, 2019 ; ANACT (4), 2016).
De par son obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels, l’employeur est tenu à une plus grande vigilance sur le suivi de la charge de travail et le droit à la déconnexion (Article L4121-3 du Code du Travail ; ANI (5), 2020). En effet, la régulation de la charge de travail constitue un levier stratégique essentiel pour l'amélioration des conditions de travail et la prévention des risques psychosociaux. En comprenant mieux la charge de travail, les managers et la direction peuvent allouer les ressources de manière plus efficace, et éviter les périodes de sous ou sur-utilisation. Pour réussir à comprendre la charge de travail, il faudrait donc la définir alors, qu’est-ce que la charge de travail ?
La charge de travail englobe deux notions clés : le physique et le mental, les deux étant étroitement liés. La charge mentale est elle-même reliée aux charges cognitives et émotionnelles (6).
La charge physique implique la mobilisation du corps. Elle est renforcée par la répétitivité, la pression temporelle et les niveaux d’efforts à fournir.
La charge mentale est à l’origine une notion utilisée pour décrire la « charge » importée de la sphère personnelle dans la sphère professionnelle et qui vient s’ajouter à la charge de travail.
La charge cognitive correspond à l’ensemble des activités cognitives dans l’activité professionnelle. Elle dépend de la complexité des tâches, des conditions de réalisation et des compétences des personnes.
La charge émotionnelle traduit le ressenti des travailleurs par rapport à leur charge de travail : confrontation à des situations conflictuelles, sentiment d’insécurité, tâches éloignées des valeurs personnelles, ...
Par ailleurs, l’analyse de la charge de travail nécessite d’explorer trois dimensions : la charge prescrite, la charge réelle et la charge subjective :
Le travail prescrit est ce que les professionnels sont censés faire, ce qui est prévu et inscrit dans leur description de poste, de mission.
Le travail réel correspond à ce que les professionnels réalisent réellement. Il se distingue du travail prescrit par les empêchements, les changements de tâches, la complexité de mise en œuvre, ... qu’ils éprouvent au quotidien et le travail à fournir pour “bien faire” leur travail.
Le travail subjectif correspond aux ressentis des professionnels par rapport à leur activité. Les tensions, les ralentissements, les situations complexes ou floues peuvent induire une charge émotionnelle, intégrée dans le travail subjectif.
Lorsque l'écart entre le travail prescrit et le travail réel devient trop important, la recherche de solutions organisationnelles appropriées est indispensable pour apprécier efficacement la charge de travail. Réguler la charge c’est donc rendre compatible les obligations et les contraintes qui s’imposent à l’entreprise avec les ressources humaines et opérationnelles dont elle dispose à un instant donné. Mais pourquoi est-il si important d’agir sur les problématiques de charge de travail ?
Appréhender la charge de travail permet d’abord de prévenir la sécurité et la santé des salariés. En effet, une charge de travail équilibrée favorise une bonne santé des salariés, en réduisant les risques psychosociaux tels que le stress, l’épuisement professionnel et les conflits. Il faut savoir que les conséquences d’une charge de travail déséquilibrée peuvent avoir un impact tant au niveau de l’individu que du collectif :
D’un point de vue individuel, une surcharge de travail peut générer : des oublis, troubles de l’attention, difficultés de priorisation, fatigue, troubles du sommeil, ruminations excessives, irritabilité, sensibilité, repli sur soi, tensions interpersonnelles, des manifestations somatiques (douleurs musculaires, articulaires, ...), consommation de psychotropes pour activer ou calmer la pensée, etc.
Au niveau du collectif, de la structure, la surcharge va induire : augmentation des heures supplémentaires, disparition des moments conviviaux, dégradation de l’ambiance de travail, objectifs non atteints, augmentation des plaintes, dégradation du service rendu aux usagers et baisse de la qualité, absentéisme répété, accidents de service, turnover, baisse d’attractivité.
De plus, en situation déjà dégradée, de fatigue, de stress, de conflits ou d’absentéisme, l’analyse de la charge constitue un signal fort envoyé aux équipes, celui d’une amélioration encore possible et d’une volonté managériale d’y contribuer.
Aussi, l’évaluation de la charge de travail joue un rôle crucial dans l’amélioration de la performance, tant pour les individus que pour les organisations. Effectivement, une charge de travail équilibrée facilite la concentration sur les tâches, améliore la productivité et la qualité du travail. Une évaluation régulière de la charge de travail encourage la communication, la régulation et la coopération entre les équipes, car elle permet de discuter des difficultés et de trouver des solutions ensemble.
De ce fait, il est primordial de réfléchir à la manière d’appréhender la charge de travail à l'ère des transformations digitales, organisationnelles et de la modification du rapport au travail, afin de mobiliser les leviers existants de l’organisation pour protéger les salariés.
D’abord, il est essentiel de reconnaître que la surcharge de travail ne résulte pas uniquement des stratégies individuelles, mises en place par les acteurs pour gérer leur travail, mais découle de multiples facteurs organisationnels. En effet, lorsqu’on aborde les questions de gestion des risques psychosociaux ou de la charge de travail, une approche psychologisante et individualisante est souvent privilégiée, mettant en avant des arguments tels que « c’est un manque d’organisation personnel », « elle n’arrive pas à gérer son temps », ou « il est perfectionniste ». Toutefois, la perception d’une charge de travail excessive par un collaborateur peut suffire à impacter sa santé et son bien-être.
Prenons l’exemple d’un salarié ayant des difficultés à s’organiser ou à gérer son temps. Dans ce type de situation, le collaborateur peut être accompagné, par son entreprise, pour développer ses compétences dans ce domaine. Autrement dit, au-delà de la responsabilité individuelle, les facteurs de risque et les possibilités de gérer et surmonter les différents stresseurs potentiels, dépendent de dynamiques collectives, qui sont plus ou moins entravées ou favorisées par l’organisation du travail (Loriol (7), 2021). Ces facteurs, sources d’empêchements dans le travail réel, peuvent être variés : la complexité des tâches, la clarté des process, des rôles, la communication interservices, les interruptions fréquentes, la complexité des relations, la disponibilité des informations, les activités annexes, etc.
Ainsi, pour être efficace et pérenne, la régulation de la charge de travail repose sur une approche systémique, organisationnelle et collective, plutôt qu’une approche individuelle. Appréhender la charge de travail mobilise plusieurs acteurs et intègre le dialogue professionnel. Une méthodologie qui combine une approche qualitative et quantitative peut être pertinente. Le plus important est de mieux comprendre la charge de travail. Une analyse fine des activités de travail permet d’identifier les tâches qui peuvent être optimisées, redistribuées et réorganisées. Aussi, il est important que l’analyse soit suivie d’actions concrètes de changements.
Au regard, des limites de l'approche actuelle, la régulation de la charge de travail ne devrait pas être simplement perçue comme une obligation de sécurité, nécessaire à la protection de la santé du collaborateur, mais plutôt envisagé comme une opportunité pour promouvoir la santé par le travail (Montvalon (8), 2021). La finalité est d’instaurer des conditions de travail favorable à l’amélioration de la qualité du travail plutôt que de réduire la charge de travail suite à des situations de mal-être vécus. Pour ce faire, le travail réel, le facteur humain, l’écoute et l’implication des collaborateurs dans les prises de décisions doivent être davantage pensé dans l’organisation du travail.
TOIT de SOI propose des prestations d'évaluation de la charge de travail avec une approche sur mesure, adaptée à votre contexte organisationnel. Nous accompagnons nos clients avec des démarches d’audit de la charge de travail pragmatiques, compréhensibles de tous et engageantes pour rendre les salariés acteurs de l’évaluation de leur charge de travail. Les résultats peuvent aider les acteurs clés à identifier des pistes d'évolution pour améliorer les conditions de travail des collaborateurs et protéger leur santé.
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Rédaction : Hajar Jerdioui
Notes de bas de page :
(1) Coron, C. (2019). La charge de travail perçue des cadres: d’une typologie à une compréhension systémique. relations industrielles/industrial relations, 74(1), 117-140.
(2) Demay, S. (2021). La charge de travail à l'ère du numérique: Réflexion sur la santé au travail (Doctoral dissertation, Université Paris-Saclay).
(3) Direction de l’Animation de la recherche, des Études et des Statistiques du ministère du Travail.
(4) Le réseau Anact-Aract, 10 questions sur la charge de travail.
(5) Accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020, relatif à la mise en œuvre réussie du télétravail.
(6) Comprendre la charge de travail : agir sur la charge de travail
(7) Loriol, M. (2021). Les dimensions collectives des risques psychosociaux et de la souffrance au travail. Raison présente, (2), 17-26.
(8) De Montvalon, L. (2018). La charge de travail: pour une approche renouvelée du droit de la santé du travail (Doctoral dissertation).
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