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Le travail émotionnel est un concept introduit par la sociologue Arlie Hochschild (1983), il s’agit de la composante émotionnelle du travail qui répond aux exigences professionnelles. Vous avez sans doute déjà entendu parler du travail émotionnel sous l’appellation exigences émotionnelles, dans la classification du rapport Gollac et Bodier (2011). Ce phénomène est présent dans de nombreux secteurs, notamment les métiers en contact direct avec le public. Il s’agit de l’infirmière en contact avec un malade en souffrance, un professeur des écoles face à un enfant turbulent, des serveurs au contact de la clientèle, des responsables confrontés au mal-être de leur équipe… Comprendre le travail émotionnel est essentiel pour évaluer son impact sur le bien-être des employés et sur leur performance au travail.
Cet article explore les origines théoriques du travail émotionnel, ses applications pratiques dans divers contextes professionnels, ainsi que ses conséquences. Enfin, nous mettrons en lumière quelques stratégies efficaces pour gérer ce type de travail et les ressources disponibles pour les professionnels.
Le terme travail émotionnel a été introduit par Hochschild en 1983, sous le terme « emotional labour ». La notion renvoie à l’effort que les professionnels mettent en place pour gérer leurs émotions et celles des autres, dans la confrontation au public. Dès lors, il existe plusieurs formes de travail émotionnel (Djediat, XXXX):
L’émotion gérée (stratégie et régulation mise en place pour réussir à gérer son émotion) ;
L’émotion incongrue (dissonance émotionnelle, soit ressentir une émotion et devoir montrer une émotion contraire, « masque social/émotionnel ») ;
L’émotion ressource (utiliser des ressources émotionnelles, par exemple le soutien social de collègue ou d’un.e supérieur.e hiérarchique).
Ce concept s'adresse particulièrement au secteur médico-social, où le travail émotionnel constitue une part essentielle des activités des professionnels. Cela inclut notamment le soutien et l'accompagnement de personnes vulnérables, la gestion des incivilités et de l'agressivité, ainsi que le port du "masque social". Ce dernier peut entraîner une dissonance émotionnelle, susceptible de provoquer des conflits de rôle.
Exemple de situation. Un infirmier doit rester calme et compatissant dans l’accompagnement d’un patient à qui l’on a annoncé un diagnostic grave (proposée une émotion ressource). Il doit gérer ces propres émotions et les utiliser pour offrir un soutien émotionnel approprié (émotion gérée).
Ces dernières années au fil de nos interventions, nous faisons le constat que les fonctions managériales et les ressources humaines sont de plus en plus en proie aux exigences émotionnelles. Ils sont, par exemple, confrontés à l’expression de mal-être et aux émotions de leurs équipes. Là où le travail émotionnel concernait les relations avec l’externe (clients, usagers, patients…), il concerne aussi les relations internes à la structure professionnelles (collègues, pairs, managers…).
Exemple de situation. Une manager doit annoncer au côté des ressources humaines un plan social et économique auprès de son équipe. Elle doit porter une décision qui n’est pas la sienne et qu’elle n’approuve pas (dissonance cognitive). Elle est en colère et éprouve du ressentiment, cependant, elle se doit d’être rassurante et encourageante auprès de l’équipe (émotion incongrue : dissonance émotionnelle).
Les impacts dépendent de l’authenticité de l’émotion que l’on exprime. Dans le cadre ou l’expression de l’émotion peut être authentique et est en accord avec les règles d’affichage et normes sociales, cela permet une amélioration de la satisfaction au travail, du bien-être au travail. Tandis qu’en cas de dissonance émotionnelle le travail de régulation des émotions est plus important et génère potentiellement davantage de mal-être professionnel, ou encore un épuisement émotionnel (la composante émotionnelle de l’épuisement professionnel)
Il existe des stratégies collectives et individuelles pour adresser cette thématique. L’objectif est de prévenir les risques et augmenter les ressources professionnelles.
Les actions collectives sont des démarches mises en place dans le cadre de l’activité professionnelle. Ces dernières peuvent être des ateliers proposés par la direction ou les acteurs de la prévention :
Animation de temps collectifs favorisant l’échange sur le travail, notamment émotionnel (temps de régulation, espace de discussion sur le travail, analyse de pratique professionnelle)
Permanence d’écoute avec la présence d’un.e psychologue au sein des locaux
Au niveau individuel, les ressources des personnes peuvent se renforcer grâce au développement des compétences émotionnelles. Nous vous laissons en découvrir davantage sur le sujet dans l'article sur les compétences émotionnelles essentielles au travail.
Après avoir exploré les différentes facettes du travail émotionnel, il est essentiel de récapituler les points clés abordés. Le travail émotionnel est un aspect souvent invisible mais crucial de nombreux métiers. Comprendre ses mécanismes et ses impacts permet de mieux appréhender les défis émotionnels auxquels sont confrontés les professionnels au quotidien. Que ce soit dans la santé, le service à la clientèle, l’éducation, ou les fonctions managériales, les exigences émotionnelles jouent un rôle clé dans la qualité des interactions et le bien-être des employés.
En reconnaissant l’importance du sujet, les organisations peuvent mettre en place des stratégies et des ressources pour soutenir leurs employés, réduire le stress émotionnel et prévenir le burnout. Investir dans la formation au développement des compétences émotionnelles et offrir un environnement de travail empathique et compréhensif sont des étapes essentielles pour faire face aux contraintes vécues.
En fin de compte, le travail émotionnel ne doit pas être sous-estimé. Il mérite une attention particulière pour créer des environnements de travail sains et soutenant, où les émotions sont gérées de manière constructive.
Les formations, les ateliers ou les espaces d’échange dédiés à la gestion des émotions offrent des solutions concrètes pour accompagner les professionnels dans cette démarche. Ces outils, intégrés aux politiques de prévention des risques psychosociaux, permettent de renforcer les compétences émotionnelles, de réduire les tensions liées au travail émotionnel et de prévenir l’épuisement.
Ne tardez pas à intégrer ces pratiques dans votre quotidien professionnel. Chaque pas vers une meilleure gestion des émotions contribue à améliorer la qualité des interactions, la satisfaction au travail et, plus globalement, la santé émotionnelle des collaborateurs.
Rédaction : Émeline Houssin
Sources :
Ashforth, B. E., & Humphrey, R. H. (1993). Emotional labor in service roles : The influence
of identity. Academy of management review, 18(1), 88-115.
Djediat, A. (2018). Les exigences du travail et le bien-être dans la profession infirmière: le rôle des ressources émotionnelles (Doctoral dissertation, Université de Bordeaux; Université libre de Bruxelles (1970-....)).
Gollac, M., & Bodier, M. (2011). Rapport du collège d’expertise, de suivi des risques psychosociaux au travail. La Documentation Française.
Hochschild, A. (1983). The Managed Heart (Berkeley, University of California Press). Hochs
child The Managed Heart1983
FAQ :
1. Qu’est-ce que le travail émotionnel ?
Le travail émotionnel désigne l'effort consenti par les professionnels pour réguler leurs propres émotions et celles des autres dans un cadre professionnel, afin de répondre aux attentes émotionnelles du rôle occupé.
2. Quels secteurs sont les plus concernés par le travail émotionnel ?
Les secteurs qui impliquent un contact direct avec le public ou des interactions humaines fréquentes sont particulièrement concernés, notamment :
Le secteur médico-social (infirmiers, aides-soignants)
L’éducation (enseignants, éducateurs)
Les métiers de service (serveurs, réceptionnistes)
Les fonctions managériales et ressources humaines.
4. Quelles sont les stratégies pour mieux gérer le travail émotionnel ?
Voici quelques approches pour mieux gérer le travail émotionnel :
Participer à des formations sur la gestion des émotions ou des situations difficiles.
Mettre en place des espaces d’échange sur les pratiques professionnelles (analyse de pratiques).
Bénéficier d’un soutien psychologique via une permanence d’écoute ou un numéro vert.
Renforcer ses compétences émotionnelles à travers des exercices ou ateliers spécifiques.
5. Que peut faire une organisation pour soutenir ses collaborateurs ?
Les organisations peuvent :
Former les équipes à la gestion des agressivités et des émotions.
Proposer des temps collectifs dédiés au partage et à la régulation émotionnelle.
Offrir des outils et des ressources, comme la présence d’un psychologue ou des groupes de parole.
Favoriser une culture d’entreprise bienveillante, où les émotions sont reconnues et prises en compte.
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